Vera de Wurtemberg .
D’aucuns auraient dit « sale gosse », mais se se-raient retenus, car on ne parlait pas ainsi d’un membre de lignée royale, d’une héritière de Nicolas II et de Catherine II de Russie. Deuxième fille de Constantin Nicolaïevitch de Russie et de la grande-duchesse Alexandra de Saxe-Altenbourg, la petite Vera, née à Saint-Pétersbourg le 16 févier 1854, a un caractère bien trempé lorsqu’à 9 ans, elle arrive chez sa tant la grande-duchesse Olga de Wurtemberg et son mari le Roi Charles 1er de Wurtem-berg à Stuttgart. Elle souffre en fait de troubles du comportement (accès de colère, il faut parfois des soldats de la garde pour la maîtriser) et elle a été officiellement mise « au vert » pour se soigner et surtout pour ne pas affoler la cour de Russie. Elle est, en effet, prisonnière de son titre et de sa fonction, le protocole ne lui laissant pas la possibilité de faire des écarts de conduite.
Sans enfants, les parents adoptifs vont se démener pour la soigner, ce qui adviendra et qui verra même la charmante enfant adoptée convoler en justes noces avec le duc Eugène-Guillaume Wurtemberg, de fait son cousin germain, dont elle aura deux filles, des jumelles Elsa et Olga. Le fougueux Wilhelm meurt deux ans plus tard dans un duel. Veuve à 23 ans, la duchesse va élever ses deux filles et commencer une seconde vie.
Vera est, selon ses dires, devenue une « vraie » Allemande et n’envisage pas de retourner en Russie. Son caractère, elle va le transformer en un engagement pour les arts, la musique, le théâtre, la littérature et pour les oeuvres sociales Elle dénote un peu avec ses cheveux coupés courts, son franc-parler, son côté « proche du peuple ».
Lors du conflit opposant la France et la Prusse en 1870-1871, fervente patriote, elle va rédiger un « journal de guerre du Wurtem-berg », une ode à la mémoire des régiments du Wurtemberg qui vont participer au siège de Paris et occuper ainsi nos contrées (Villiers, Bry et Champigny), notamment pendant le redoutable hiver 1870/1871. Car cette campagne sera terrible pour les troupes d’Otto von Bismarck, ministre-président de Prusse : il redoute que les autres grandes puissances européennes ne finissent par renoncer à leur neutralité. Il reconnaît en outre que face à des pertes croissantes, la guerre est de plus en plus impopulaire et que les Allemands courent le risque d’être saignés à blanc par les armées françaises supérieures en nombre. C’est dans ce contexte, que la duchesse Vera de Wurtemberg va rédiger son long poème de 88 quatrains pour soutenir et magnifier la geste des soldats. Dans l’un de ces quatrains, elle évoque notre ville : « Plus d’un héros paisible repose en l’église de Villiers, très lentement, de sa blessure profonde perlent les gouttes de sang sur le sol, comme une plainte mortelle…sinon règne un silence de mort ». Après cette guerre, notre duchesse va s’engager dans la création d’oeuvres sociales et culturelles, notamment en faveur des jeunes filles isolées, des mère célibataires, des orphelines. Ainsi verront le jour les « Weraheime », lieux d’asile et de protection de cette population défavorisée, de même que des crèches en faveur des tout-petits.
Il est à noter que ces institutions existent encore de nos jours en Allemagne. Elle soutien-dra aussi des initiatives de créations culturelles (apprentissage de la lecture), consolidera ses oeuvres sociales et s’éteindra le 11 avril 1912 d’une affection rénale à Stuttgart.
Elle aura été aimée pour son oeuvre, celle d’une « enfant terrible », devenue bienfaitrice.
Joël Jamet - Janvier 2024