Association Villiéraine Historique

et Culturelle Guillaume Budé

Musée : 31, rue Louis Lenoir 94350 Villiers-sur-Marne    I     Horaires : mercredi, samedi et dimanche après-midi de 14H00 à 17H00

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Mise à jour décembre 2025  l  06 14 48 09 99  l  musee-emile-jean@gmail.com
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Et si Villiers-sur-Marne avait 1000 ans ?


1024 : la naissance d’une cité.


Le premier document évoquant la commune, qui remonte à l’année 1024, a été exhumé par Daniel Poisson, un Villiérain féru d’histoire.


Pour se situer dans le temps, il y a des repères basés sur les dates d’existence. Pour un être humain, on parle en années, en dizaines d’années, que l’on célèbre avec plus ou moins d’enthousiasme (Trentaine, quarantaine, cinquantaine…), le Graal étant la centaine (Oui, mais avec la tête et les jambes, hein !) Et ils sont de plus en plus nombreux les centenaires, près de 30.000 en France, à 90% % des femmes !

Ensuite, nous avons les commémorations de monuments, chiffrées souvent en plusieurs centaines d’années et le must : le millénaire ! Encore faut-il pouvoir le justifier par des preuves historiques tangibles, généralement des textes écrits, vrais, irréfutables.


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D’entrée, il me semble nécessaire d’aller au-devant d’une objection quant aux origines plus anciennes de Villiers-sur-Marne. En 1864, au Bois Saint-Denis, on exhume des restes d’une «substruction antique, couverte d’une mosaïque composée de carrés noirs et blancs, de briques et tuiles à rebords », datant vraisemblablement de l’époque romaine.

Au début du 20ème siècle, on découvre des mégalithes, des haches polies en silex, en grès lustré gris ou rose, en jadéite dans divers lieux de Villiers, (Aux Boutareines, au Désert, aux Pierres, aux Noues, aux Fécants ou au Bois de Gaumont). Mais, ils restent des traces et ne signifient en rien qu’il se soit agi d’une installation pérenne et évidemment, nous n’avons aucune trace écrite, pouvant les dater avec précision.

Ces objets seront visibles au musée en cette année 2024, lorsque les travaux de rénovation seront terminés.


« Notre millénaire nous ramène donc à l’année 1024, date retenue comme la première mention écrite de son existence. Mais cette date nous est révélée au XIVe siècle dans une transcription appelée « charte » (du latin carta), qui est un document juridique actant un titre de propriété ou les privilèges temporels d’une église ou d’un monastère. Un peu partout dans la société, on constatait que le respect de la parole donnée n’était pas scrupuleusement suivi, quant aux droits de propriété sur la terre et sur ses produits ou sur les hommes qui la travaillaient. Cette charte sous forme de manuscrit était remise dans des lieux dédiés et en ce qui nous concerne, celui de l’abbaye de Saint-Maur. Les propriétaires de biens consignaient leurs possessions et les déposaient à l’abbaye qui était située sur une colline et ses terrains descendaient directement vers la Marne en contrebas, d’où Saint-Maur-des-Fossés. La grande abbaye bénédictine de la région fut créée en 639, se développa et devint avec le temps un point de passage pour les pèlerins, on y venait pour guérir de la goutte ou de l’épilepsie, et ses activités multiples nécessiteront des améliorations dans le fonctionnement de l’institution.


L’utilisation de ces chartes se développa, comme mémoire des droits, sous forme d’écrits établis sur parchemins devant témoins, et à partir de 1275, elles y furent conservées. Elles étaient roulées dans des casiers et regroupées dans un « chartrier ». Mais la région était soumise à des turbulences dues aux luttes entre les troupes royales et les Armagnacs, opposées aux Anglais et aux Bourguignons. La région ressemblait à un manteau d’Arlequin, dont les coutures se distendaient dangereusement parfois sous les coups de boutoir des « compagnies », celles notamment d’Eustache d’Auberchicourt en 1358 ou encore de Rodrigue de Villandrando en 1432.

Ces troupes de mercenaires dévastaient villages, villes et campagnes, obligeant à fuir ou à périr. Il fallait se protéger des pillages ou d’autres catastrophes comme les incendies et on avait aussi coutume de recopier les chartes, à partir des originaux, parfois de mémoire et tout était regroupé dans un «cartulaire», dont le rangement était aléatoire, sans réelle cohérence chronologique, mais souvent par région (La carte des cartulaires en révèle une bonne vingtaine sur toute la France d’alors). L’abbaye commença à décliner vers la fin du XIVe et j’émets l’hypothèse que c’est à l’occasion de ce déclin lent mais progressif que le cartulaire fut réorganisé et que l’on découvrit la charte qui concerne Villiers (Villaricum).


À Villaricum précisément, le village se développait et ce fief d’un chevalier du roi semble-t-il, se dota d’une chapelle, agrandie et surmontée d’un clocher au XIVe siècle. Le chevalier aménagea une demeure au lieu dit «Le Motet» où il résida, avant de déménager vers la lande en 1269, où il fit édifier également une chapelle. Notre ville était un site de petits domaines, comprenant des petites maisons et quelques arpents de terre entourés de palissades et on trouvait déjà des parcelles de vignes, des prés, des pâturages et des terres incultes, en bordure des bois. Il faut signaler que le seigneur n’était pas le seul propriétaire de la terre de Villiers : certaines d’entre elles dépendaient de l’abbaye de Saint-Maur, ou de celle de Footel (Aujourd’hui La Malnoue/ Émerainville) ou même de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, ou encore du prieuré de Saint-Martin-des-Champs à Paris…


C’est dans ce contexte de guerres et de rapines que Dreux Budé 1er, secrétaire de Charles VII, achète en 1445 la seigneurie et bénéficie trois années plus tard de l’Ordonnance royale, qui permettra de fortifier:

« Charles, par la grâce de Dieu Roy de France, savoir faisons à tous présents et avenir nous avons reçu l’umble suplication de notre ame et féal notaire et secrétaire et audiencier en notre chancellerie, maire Dreux Budé, contenant que certain temps ença il a acquis les ville, terre et seigneurie de Villiers sur Marne et que à l’occasion des guerres qui longue durée ont eu en nostre royaume et durant icelles na eu lieufort au dit Villiers où les seigneurs Dillec, ses prédécesseurs aient peu en seurte retrate na sauver eulx, leurs biens ne leurs hommes… ».


Fort de ce constat des défenses inexistantes pour sauver la ville et que le seigneur du lieu le lui demande, le roi Charles VII accorde au « suppliant, pour ces causes et autres et a ce nous mouvant, avons octroyé et octroyons de grace especial par ces présentes congie et licence, de faire fortifier et emparer son dit hostel et basse cour dudit Villiers, de fossez, meurailles, tourt, crenaulx, machicouliz, palliz, barbacanes, boulvars, eschiffes, porteaulx, pont leviz, herses, barrieres et autres clotures et fortifications accoustumées a fortification de place… ».


Le roi donne donc son accord et poursuit ainsi : « pourveu que les habitants ou dit lieu de Villiers seront tenus de faire le guet ou garde ou ils doivent et on accoustume le faire d’ancienneté, non obstant la dite fortification et aussi que le dit suppliant garde ou face garder ledit lieu et seurement en manière que aucun inconveniens non aviegne a nous ne a nos subjetz dudit, pais d’environ… ».

L’ordonnance se termine ainsi : « Donné aux Roches, au mois de Juillet l’an de grâce mil quatre cent quarante huit et de nostre regne le vingt sixieme et estoit aussi signé sur le reply : par le roi en son conseil… chancelier, visa consentor Fromont ». (Traduction assurée par Raymond Klein, membre de la société Historique de Villiers). Ces documents attestent donc de faits notables et garantissent leurauthenticité. Certains esprits retors (Alimentés sans doute aux facéties des fake news) peuvent se demander : « Ces chartes étaient-elles fiables, n’y avait-il pas de moyen de les falsifier ? La question est pertinente quand on considère les périodes troublées que nos contrées subissaient. On l’a vu, on recourait aux copistes qui permettaient de sauvegarder les documents.

Pour contrer les éventuels faussaires (Et il y en a beaucoup) ou tout simplement les gens de mauvaise foi qui contestaient la validité d’un document, il existait depuis 1203 (Règne de Philippe Auguste, 1165-1223) le « chirographe ». Ce mot est tiré du grec ancien qui signifie « main » et « écrire », soit manuscrit, appelé aussi « charte-partie » qui était un acte officiel, établi selon une technique particulière, permettant d’en garantir l’authenticité. On rédigeait en deux exemplaires un texte sur le même parchemin, dont chacun est écrit en sens inverse de l’autre. Dans l’espace qui les sépare, on insère un fragment de phrase ou un dessin ou encore des éléments ornementaux, appelés « devises ». Une découpe droite ou en dents de scie était faite au niveau de cette devise et servait d’élément d’authentification du document en cas de litige, chacune des deux parties contractantes en gardant un des exemplaires découpés. La pièce était ensuite cachetée par les sceaux de cire des deux parties.

Un exemplaire de ce chirographe est conservé aux Archives départementales et une copie se trouve aux Archives nationales. On veillait jalousement à l’époque ce type de documents, comme l’ensemble des livres reproduits, car les copistes n’étaient pas toujours exacts. Les auteurs en pâtissaient et lisons cette injonction d’un auteur en fin de son manuscrit : « Vous qui allez transcrire ce livre, je vous adjure, par notre Seigneur Jésus-Christ et part son glorieux Avènement, Lui qui viendra juger les vivants et les morts, de comparer ce que vous transcrivez avec votre copie, de corriger celle-ci diligemment et cette adjuration aussi, de l’insérer dans votre copie ».


Les copistes étaient souvent, à côté des scribes, des étudiants qui gagnaient ainsi leur pitance en fonction de l’importance et de la longueur des textes retranscrits.

Mais l’exercice, un peu fatigant, conduisait à imaginer des moyens ingénieux et quelquefois humoristiques pour corriger les oublis. Il me plaît de vous faire partager ci-dessous cette page d’un livre d’heures enluminé qui montre un personnage grimpant le long du texte et tenant au bout d’une corde une ligne à remettre à sa place. Il suffit de suivre son doigt…


Ainsi en allait-il dans ces années du début de la Renaissance, où Villiers se voyait dotée des éléments constitutifs de la construction de la cité : l’attestation des origines pour l’histoire, la construction d’une église pour l’exercice de la foi, on ajoute à cela la suppression du servage en 1280 sur le territoire et enfin l’ordonnance royale qui adoube la cité, confère à son seigneur le droit de fortification, mais aussi le droit de moyenne et haute justice. La petite cité évoluera lentement au cours du temps et si le premier registre connu des baptêmes date de 1593, on ne dénombre que 432 habitants en 1709 !

C’est dans ce cadre que se profile l’entité admirative, consolidée au fil des siècles par la Révolution française et les réformes napoléoniennes, puis les régimes républicains et démocratiques dont nous sommes les héritiers et citoyens.


Joël Jamet (AVHEC GB)


Bibliographie :

Revues de la Société Historique de Villiers, dont « Villiers dans l’histoire » - Daniel Poisson

« La vie dans une société médiévale » - George R.R.Martin, Les Belles Lettres

« La vie quotidienne au Moyen Âge » - Jean Verdon-Perrin, Coll. Tempus

Archives départementales du Val de Marne, article « Le chirographe de Charenton »

Machado / Ruault dans revue « Val de Marne »